Discours du Professeur László TRÓCSÁNYI, ministre de la Justice de Hongrie,

Discours du Professeur László TRÓCSÁNYI, ministre de la Justice de Hongrie,

15 Novembre 2016 14:13

 

Monsieur le Recteur Albert Lourde, Monsieur le Professeur Hany Helal, Président de l’Université Senghor d’Alexandrie, Madame Fatma El-Zahraa Etman, Représentant Personnel du Président de la République Arabe d’Egypte au CPF,

Permettez-moi de commencer mon discours d’une approche personnelle. Tout d’abord, je viens chez vous  comme un ami. Les relations de longue date qui me lient à la francophonie constituent une base solide qui me permet d’être parmi vous. C’est  en Belgique, plus particulièrement en Wallonie, en ma qualité d’ancien boursier de l’Université de Louvain-la-Neuve, que j’ai eu la possibilité de connaître et d’apprécier la francophonie. Je pouvais voir de mes propres yeux l’effervescence culturelle de cette université, partager cette ambiance particulière due entre  autres à la présence de nombreux étudiants venus d’Afrique et d’autres continents. Plus tard, j’ai pu tisser des liens d’amitié avec plusieurs personnalités vouées à la cause de la francophonie, telles que, notamment, Messieurs Philippe Suinen ou Étienne Lagasse qui m’ont enseigné comment porter haut le drapeau de la francophonie. J’ai eu par la suite la même expérience en France. Je suis particulièrement reconnaissant à Christian Philip qui était, à l’époque, Représentant du Président de la République française à la Francophonie, car c’est grâce à lui que j’ai eu l’honneur  de pouvoir enseigner à l’Université Jean Moulin - Lyon 3 pendant plusieurs années, en tant que professeur invité. Je ressens réellement que la francophonie constitue un lien solide entre les êtres humains et les différents pays ; je peux même le prouver en évoquant mon  expérience personnelle.

Il se trouve que je me suis lié d’amitié avec Monsieur Albert Lourde, Recteur de l’Université Senghor d’Alexandrie. À l’occasion de notre première rencontre, nous avons commencé à parler immédiatement du rôle que la Hongrie serait susceptible de jouer dans le renforcement du rayonnement de la francophonie. Je me félicite de me souvenir de mes rencontres avec les hauts responsables de l’OIF, en particulier de mes relations de travail avec Monsieur Abdou Diouf et avec Madame Michaëlle Jean.

Mesdames, Messieurs,

 J’ai plusieurs bonnes raisons d’être avec vous aujourd’hui. D’une part, je suis moi-même professeur d’université: j’enseigne le droit constitutionnel et le droit européen en langue française aussi à l’Université de Szeged en Hongrie. D’autre part, j’assume la fonction de Ministre de la Justice, et en cette qualité,  j’ai la mission de représenter les intérêts de la francophonie au sein du gouvernement hongrois. Auparavant, j’avais pu assumer la fonction d’ambassadeur de la Hongrie en Belgique et en France.  Il m’est donc tout naturel d’affirmer,  au niveau international aussi,  que la communauté de valeurs universelles a une importance particulière tant pour la Hongrie que  pour ses universités. J’ai eu l’honneur  de tenir plusieurs conférences au Liban, en Algérie et au Maroc, et je constate avec satisfaction qu’un programme de travail est en cours d’élaboration en vue d’assurer la participation des experts hongrois à l’enseignement juridique des fonctionnaires et des magistrats en langue française.

En tant que professeur d’université, j’éprouve toujours une certaine émotion au moment de la rentrée scolaire. Ainsi, c’est un très grand honneur pour moi de pouvoir  participer cette fois-ci à l’inauguration de l’année académique à Alexandrie, dans cette ville généralement considérée comme l’une des dépositaires de la culture de l’Antiquité et même du savoir humain universel, bref, berceau de la culture européenne.  Et je me réjouis tout particulièrement de pouvoir prendre la parole, devant vous, m’adresser en français. Évidemment, lorsqu’on entend prononcer le mot « francophonie »,  il ne faut pas penser à un cercle restreint d’amis. Non, parce que dans 54 pays du monde, le français est la langue de l’administration, de l’enseignement, de la justice et même des forces armées. Et ce qui plus est : l’idée de la francophonie comprend, entre autres, le respect des droits de l’homme,  la responsabilité pour le développement durable et la nécessité de trouver des solutions à la sortie des crises. La francophonie incarne une philosophie qui est constamment à la recherche des modalités possibles de créer l’unité dans ce monde aux multiples visages. Elle considère comme tâche primordiale la volonté de promouvoir la cause de la paix et de garantir le développement des régions défavorisées.

Ce sont les mêmes principes qui gouvernent, à l’échelle qui est la sienne, bien entendu, l’activité de l’Université Senghor d’Alexandrie. Elle a la vocation principale de se mettre au service du développement du continent africain, en dispensant une formation de haut niveau en langue française. De plus, elle a le mérite de créer et de promouvoir  un contact permanent entre les pays d’Afrique, tout en assumant un rôle d’intermédiaire parmi les pays membres de l’OIF.

Nous qui sommes tantôt une branche forte, tantôt une jeune pousse de cette grande famille présente  sur tous les continents, nous devons également assumer notre part de responsabilité et de devoir en ouvrant nos portes devant continent africain et lui apporter notre aide dans les domaines variés de la vie économique, de la recherche et de l’enseignement.

C’est dans cet esprit de l’élargissement des horizons que la Hongrie a déclaré officiellement, en 2015, son intention de mener une politique d’ouverture vers les pays du Sud. Cela signifie que nous voulons entretenir de bonnes relations économiques, mais en plus, nous souhaitons promouvoir le développement du marché africain par l’organisation de programmes de recherche, de conférences et de forums communs, et surtout par le transfert du savoir sur place. Néanmoins, nos ambitions vont bien au-delà d’une simple coopération économique ou d’une action de marketing.

L’avenir dépendra de la coopération, voire de l’amitié entre les personnes, les communautés, les cultures et les peuples. Je n’ai pas peur de prononcer le mot «amitié», ce terme tant de fois dévalorisée et même discrédité. Non, parce que nous en avons besoin plus que jamais. Si nous ne nous connaissons pas, si les peuples ne s’entendent pas, s, la mondialisation risque de dégénérer et de devenir un facteur d’aliénation ingérable, alors qu’il est encore réellement possible d’humaniser la mondialisation.

En revenant à l’idée centrale de notre rencontre actuelle, c’est-à-dire à la cérémonie inaugurale de l’année académique, je tiens à redire combien  j’apprécie l’initiative qui a motivé la création de cette université.

C’était une décision merveilleuse de créer des liens entre des pays très éloignés sur le continent africain dont la population pourra dépasser, selon certaines estimations, le nombre de deux milliards de personnes vers 2050. Cela revient à dire que près de 80 pour cent de la population francophone du monde entier sera africaine.

Permettez-moi d’exprimer ici toute mon admiration aux étudiants – et je crois savoir que leur nombre est élevé – qui  font souvent de grands sacrifices pour poursuivre leurs études à cette université pour y accéder à une formation de haut niveau. C’est également pour cette raison que j’avais considéré comme un grand honneur d’avoir été invité à Alexandrie en septembre 2014: j’avais pu admirer les chefs-d’œuvre de la civilisation égyptienne âgée de milliers d’années,  et j’avais pu assister  à la rentrée solennelle de votre université. Cette première prise de contact a été suivie par d’autres visites  dans d’autres pays d’Afrique. Cette année, en fin novembre, j’aurai le privilège  de me rendre dans un autre pays africain, à Madagascar et de participer au 16ème Sommet de la Francophonie qui est organisé tous les deux ans.

L’engagement que je ressens pour l’enseignement universitaire et en particulier, pour la formation des futurs juristes en langue française tant en Hongrie qu’à l’étranger, m’a permis, en mes qualités de ministre et de professeur d’université, de faire la connaissance de nombreuses personnalités exceptionnelles au cours de mes voyages à l’étranger. Ma nouvelle invitation en Egypte est due notamment aux bonnes relations personnelles que j’entretiens depuis plusieurs années avec Monsieur le Recteur Albert Lourde.

En ma qualité de professeur à l’Université de Szeged, j’ai réussi à élaborer les cadres d’une coopération scientifique et professionnelle déjà bien rodée. L’un des apports de cette coopération était la création, avec la participation conjointe de l’Université de Szeged et de l’Université Senghor d’Alexandrie, d’un campus universitaire ayant déjà des traditions francophones bien importantes. L’objectif principal de l’initiative appelée «Campus Senghor» était d’amener la formation directement sur place et de l’assurer pour les étudiants africains disposant de connaissances de base de haut niveau dans de nombreux pays d’Afrique. Toujours dans le même esprit, l’une des principales vocations de l’Université de Szeged est de prendre une part active à la promotion du prestige international de l’élite scientifique hongroise et de populariser à l’étranger l’éducation publique hongroise. Par ailleurs, ce programme vise également à renforcer les liens personnels et professionnels des jeunes étrangers qui poursuivent leurs études chez nous, en Hongrie, leur permettant d’accumuler un « capital relationnel » nécessaire à une future présence réussie sur le marché. Les étudiants africains  et européens peuvent élargir leurs connaissances relatives à la coopération entre les deux continents et peuvent  parallèlement acquérir un savoir pouvant contribuer au développement du continent africain. Ce dialogue et la formation commune  sont favorisés, dans l’esprit des valeurs de la francophonie, par la coopération des deux établissements d’enseignement supérieur. C’est ce qui a permis en 2015 à 11, et cette année à 40 étudiants africains de poursuivre des études universitaires à Szeged.

Nous sommes fiers de constater que l’Université de Szeged contribue activement  au démentèlement des frontières qui séparent les jeunes Européens et Africains.

En assumant une mission culturelle, notre université ouvre des horizons vers d’autres cultures: cela permet,  chaque année, à des dizaines d’étudiants africains de connaître l’Europe et, d’autre part, à nos étudiants européens de mieux comprendre la situation du continent africain.

Mesdames, Messieurs,

Nous sommes déjà bien dans le 21ème siècle. Quel visage aura-t-il? L’homme ne peut pas prévoir l’avenir. Néanmoins, il est de notre responsabilité de le façonner. Nous constatons qu’à l’époque des mouvements tectoniques de la mondialisation, chacun est parti à la recherche de sa propre identité: chacun espère la retrouver pour s’en inspirer ensuite. A défaut d’identité, nous sommes incapables de coopérer ou même d’engager le dialogue. Toutefois, le dialogue, la rencontre et la coopération se répercutent sur notre identité tout en la modifiant, en la rendant plus parfaite. Le siège comme l’éponyme de votre université en fournissent un bon exemple. En fait, la ville d’Alexandrie est un haut lieu de rencontre de plusieurs traditions depuis très longtemps. Alexandrie possède une identité riche et complexe.

Nous pouvons dire la même chose à propos de Léopold Sédar Senghor. Poète et homme d’État, il était un grand Africain, conscient et fier de ses racines, partisan et champion de l’indépendance nationale. Il était parmi les premiers à formuler le concept de la «négritude», l’identité culturelle propre aux Africains.

Il a tout pourtant continué à écrire en français, car il ne voulait pas perdre son identité européenne  et il recommande aux nouveaux États africains choisissant la voie de l’indépendance d’adopter le même comportement. En outre, il était peut-être parmi les premiers à utiliser le mot «Eurafrique», un terme qui évoque la communauté de destin des deux continents.

En tant qu’Etat membre de l’Union européenne mais aussi en tant qu’Etat souverain, la Hongrie assume pleinement la part qui lui revient de cette communauté de destin.  Elle l’assume d’autant plus qu’elle est profondément convaincue : l’avenir commun nous réserve de nombreuses possibilités avantageuses.

(Merci de votre attention.)

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Le Master en études internationales, proposé par la Faculté de droit et des sciences politiques de l’Université de Szeged, est une formation d’excellence gérée par l’Institut d’études internationales et régionales. Il est intégralement dispensé en français et offre deux spécialités.
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Europe - Afrique
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Le Département d’Études Françaises de la Faculté des lettres propose des formations Licence, Master et Doctorat, où la culture classique en littérature, civilisation, art et culture va de pair avec une ouverture sur le monde contemporain.
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