Colloque sur la liberté d’expression et la liberté des médias organisé par Wallonie-Bruxelles International en Hongrie – 21 avril à Szeged et 22 avril 2022 à Budapest

Colloque sur la liberté d’expression et la liberté des médias organisé par Wallonie-Bruxelles International en Hongrie – 21 avril à Szeged et 22 avril 2022 à Budapest

4 Mai 2022 12:37

Colloque sur la liberté d’expression et la liberté des médias organisé par Wallonie-Bruxelles International en Hongrie – 21 avril à Szeged et 22 avril 2022 à Budapest

Les 21 et 22 avril 2022, Wallonie-Bruxelles International, en coopération avec le Centre universitaire francophone de l’Université de Szeged et l’Université ELTE de Budapest, a organisé un colloque sur la liberté d’expression et la liberté de la presse.

À cette occasion, Pascale Delcomminette, Administratrice générale à Wallonie-Bruxelles International a fait le déplacement pour inaugurer le premier volet à Szeged et rencontrer les partenaires locaux des deux universités de Szeged et de Budapest.

En prenant pour thème la liberté d’expression et la liberté de la presse, l’objet de ce colloque était de s’attarder sur une thématique d’actualité en Europe, et aussi en Hongrie, où les questions de pluralisme et d’indépendance des médias posent question, mais méritent d’être mieux expliquées au vu de l’histoire de ce pays.

La première partie du colloque était consacrée à un volet juridique et politique de ces deux libertés.

François Jongen, Professeur de droit à l’Université catholique de Louvain, Directeur général de TV Lux nous a dressé un tableau complet des spécificités de la liberté d’expression et de la liberté de la presse, chien de garde pour la démocratie. Cette introduction a permis de poser un cadre et de mieux comprendre les grands enjeux contemporains liés à ces libertés fondamentales présentées ensuite dans la première section.

Les trois intervenants, Bence Kertész, Responsable juridique à la Direction générale des réseaux de communication, du contenu et de la technologie, Services et plateformes numériques de la Commission européenne; Jean-Jacques Jespers, Professeur invité de déontologie de l’information et de la communication à l’Université libre de Bruxelles, membre du Conseil de déontologie journalistique de la Fédération Wallonie-Bruxelles et Françoise Tulkens, Professeur émérite de l’Université catholique de Louvain, ancienne juge à la Cour européenne des droits de l'Homme se sont attardés sur des sujets d’actualité en lien avec la liberté d’expression.

L’actualité tout d’abord au niveau des institutions européennes, puisque le trilogue européen se penche sur une législation concernant les services numériques afin de créer un espace numérique plus sûr, de mieux protéger les droits fondamentaux en ligne et d’encadrer les contenus nuisibles. Il s’agit notamment de rendre l’utilisation d’internet plus équitable et plus stable pour renforcer les garanties de la liberté d’expression.

Ensuite, la question des fake news qui sont  à l’origine de la diffusion de contre-vérités notamment à travers les plateformes socionumériques, a été abordée. M. Jespers a évoqué plusieurs solutions possibles et notamment celle qui serait certainement la plus adéquate, à savoir l’autorégulation des journalistes.

Enfin, pour clore cette section, Mme Tulkens, forte de son expérience à la Cour européenne des droits de l’homme, a abordé la fragilité de la liberté de la presse face à la pandémie COVID sous l’angle de la Convention européenne des droits de l’homme. Après une présentation générale des fondements de la liberté d’expression au sens de la Convention européenne, l’auteur s’est attardée sur les limites de cette liberté et sur l’importance du droit à l’information qui est au coeur du débat en cette période de pandémie.

La deuxième section a réuni des professionnels dans le domaine du journalisme, Ricardo Gutierrez, Secrétaire général de la Fédération Européenne des Journalistes; József Martin, Président de Transparency International en Hongrie; Ferenc Almássy, Rédacteur en chef du Visegrád Post.

Ricardo Guiterrez n’a pas brossé un tableau favorable de l'état de la presse sur le continent européen. En tant que Secrétaire général, il a tout d’abord présenté le rôle et les fonctions de la Fédération qu’il représente dans la défense des conditions de travail des journalistes. Il a ensuite présenté les chiffres et les alertes concernant les atteintes et la sécurité des journalistes en Europe avec une triste augmentation du nombre de harcèlements, d'intimidations, d'agressions physiques et de meurtres.

Les deux intervenants hongrois, M. Martin et M. Almássy ne partageant pas forcément les mêmes idées, nous ont offert un bel échange argumenté sur la situation de la liberté de la presse en Hongrie. Cet échange a aussi permis de resituer le pluralisme des médias dans le contexte historique hongrois, une jeune démocratie, qui pour Ferenc Almássy n’a pas cette culture du pluralisme avec ce qui existe en Europe occidentale. Le débat s’est poursuivi autour des autres questions de l’indépendance des médias publics, de la propagande gouvernementale à travers les médias, du conglomérat public des médias, de la corruption et de la liberté de la presse, etc.

https://fb.watch/cCav72vuNR/ : Reportage sur la télévision de Szeged avec l’interview de Mme Pascale Delcomminette.

Le colloque s’est poursuivi le lendemain, le 22 avril à l’Université ELTE à Budapest avec un volet plus littéraire et historique de la liberté d’expression. Les intervenants se sont attardés sur les limites de cette liberté au fil de l’histoire avec une analyse de la censure et du pamphlet, et de l’importance du contexte historique dans le poids de la parole, suivie par une approche plus actuelle des enjeux contemporains et de la place de la caricature et de la satire dans le monde d’aujourd’hui.

Ce second volet s’est donc ouvert avec le discours de Mme Krisztina Horváth, Vice-Doyenne de la Faculté des Lettres et Directrice du Département d’Études Françaises de l’Université ELTE et de l’Ambassadeur de Belgique, S.E. Siegfried Peinen. Ce dernier a affirmé d’emblée que la presse constituait la pierre angulaire de toute démocratie ouverte et pluraliste, et qu’en la protégeant, on protège toutes les autres libertés par leur faculté de dénoncer les abus du pouvoir.

La première intervention, celle d’István Cseppentő, professeur à l’Université ELTE tentait de prouver que la période des Lumières – à la base de notre modernité – a défini toutes les notions qui se rapportent à la presse aujourd’hui, ainsi que la notion de la censure qui autorise toujours des voies de contournement clandestines chez ceux qui se trouvent confrontés au pouvoir.

Denis Saint-Amand, professeur à l’Université Namur, a actualisé le sujet de la clandestinité pendant son intervention. Il a qualifié les écritures sauvages, les tags et les graffitis comme une forme de résistance. Selon lui, l’État aujourd’hui est une machine à tromper pour ceux qui sont affligés par le monde dans lequel on vit ; les écritures de contestation, ces « bruits spontanés, éphémères » créent la possibilité d’un dialogue entre le pouvoir et l’individu. Dans son exposé, il a évoqué entre autres les collages féministes qui essayent de briser le silence imposé par le patriarcat.

Briser ce silence imposé aux femmes est toujours un moment violent, mais nécessaire dans la littérature contemporaine, résumait Krisztina Horváth, vice-doyenne de l’institut des langues romanes à l'Université ELTE et directrice du département d’études françaises, dans son intervention, en cherchant un écho à l’écriture médiévale de Marie de France dans les romans contemporains tant hongrois que français.

La célèbre cartooniste belge Cécile Bertrand a proposé quant à elle une rétrospective de 50 ans en tant que femme dans le métier de dessinateur·trice de presse, un métier qui se voulait « homme » dans les années où elle a commencé à travailler. Elle a parlé de son expérience en manœuvrant entre ligne éditoriale, censure et autocensure, tout en revendiquant sa liberté absolue de ton et de la manière de son travail. Elle travaille aujourd’hui avec Yannick Vancolen dont la communication a esquissé le grand changement dans le métier imposé par l’avènement des réseaux sociaux. Il a montré que les dessinateurs connaitront de sérieux problèmes dans le monde de l’Internet à cause de la censure automatique et des algorithmes.

Internet a donné place à un phénomène très discuté aujourd’hui, la cancel culture. Dans son intervention, Laura Calabrese de l’Université libre de Bruxelles a analysé les tentatives contemporaines de recadrer le discours social dans un monde où la cohabitation de différentes normes cherche à se neutraliser, ce qui cause parfois un malaise dans la société occidentale. La chercheuse a montré que même si la cancel culture est un problème, l’attention qu’on y accorde ne devrait pas obscurcir la vigilance contre des formes de pouvoir plus habituelles.

Historiquement, le pouvoir a toujours cherché à dominer la presse. Tivadar Palágyi, professeur à l’Université ELTE, a parlé de la presse dans la ville multiculturelle de Thessalonique peu avant la chute de l’Empire ottoman. Son intervention traitait du rôle de la presse dans la naissance d’un État nation. À son tour, Máté Botos de l’Université Catholique Péter Pázmány a décrit comment les institutions médiatiques fusionnaient avec les institutions du pouvoir en Hongrie sous l’ère de János Kádár. Selon lui, la méfiance dans la société envers les médias nécessite une soupape de sécurité. Un cas notable étant l’humoriste Géza Hofi.

Même un pouvoir démocratique définit les cadres de la résistance contre lui-même, comme nous avons pu l’apprendre lors de l’intervention de Cédric Passard, professeur à SciencePo Lille, qui a parlé de l’âge d’or du pamphlet en France. Selon lui, le pouvoir peut aussi décider de « tout laisser dire pour que rien ne se fasse », et les pamphlets auraient dû servir eux aussi à soulager la tension sociale, même si cela a parfois contribué à la haine et à l’antisémitisme qui caractérisent aussi la fin de la Troisième République. 

Les limites de l’expression libre étaient aussi au cœur du discours de clôture, intitulé « Peut-on encore rire de tout ? Les enjeux contemporains ». Les deux intervenants Cédric Passard et Denis Saint-Amand se sont mis d’accord sur le fait que les rapports de force définissent tout : le rire peut être le symbole de la liberté, mais aussi de l’exclusion, de l’humilité, mais aussi de l’humiliation. Selon Cédric Passard, la récurrence du problème montre qu’on ne peut jamais rire de tout, mais la bonne intention de vouloir protéger tout le monde peut avoir des effets pervers.

Lors de ce colloque organisé par Wallonie-Bruxelles International en Hongrie, nous avons pu nous rendre compte que la liberté d'expression et la liberté de la presse peuvent être traitées selon différentes perspectives. Du domaine juridique en passant par le littéraire et en arrivant à l’artistique, la liberté reste un droit fondamental, tous domaines confondus.

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COMMUNICATION suite à la conférence sur la liberté d’expression et la liberté de la presse à Szeged dans  les médias hongrois (surtout la presse locale):

https://fb.watch/cCav72vuNR/ : Reportage sur la télévision de Szeged avec l’interview de Mme Pascale Delcomminette

https://szeged.hu/cikk/magyar-mediapiac-a-tobbparti-utan-2010-ota-egyparti-gyarmatositas-zajlik-konferencia-a-szolas-es-a-sajtoszabadsagrol : Information locale

Cet article traite de la situation de la liberté de la presse en Hongrie, et présente ce qui a été échangé lors de la table ronde de l’AM:

„Le piètre état de la liberté de la presse en Hongrie ne peut que surprendre ceux qui ne suivent pas du tout la question. Les problèmes intérieurs ne sont pas comparables à ceux des pays occidentaux. Les relations avec les médias nationaux seraient incompréhensibles en Europe occidentale - et ce ne sont là que trois des conclusions de la conférence”

„La conférence d'une journée sur la liberté d'expression et la liberté de la presse a été organisée jeudi par Wallonie-Bruxelles International avec le soutien du Centre Universitaire Francophone de l'Université de Szeged et de l'Université Eötvös Lóránd dans la Grande Salle du TIK. La conférence se poursuivra à Budapest vendredi”

https://szeged.hu/cikk/egyre-nehezebben-teljesitheto-a-sajto-orkutya-szerepe-szegeden-jart-az-europai-ujsagiro-szovetseg-fotitkara : Information locale

L’article est ciblé sur l’intervention de M. Gutierrez et sa présentation sur la situation de la liberté de la presse en Europe.

Sur les comptes Twitter de plusieurs intervenants et aussi sur celui de la Fédération européenne des journalistes:

Quelques photos sont disponibles ici:       https://photos.app.goo.gl/LQzuLYnf3kTgA5pb9

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ENTRETIENS réalisés par les étudiants du cours de « Langages de la presse » à ELTE

1. Avec Mme Krisztina Horváth, vice-doyenne de l’institut des langues romanes à l’Université ELTE

Bese Szórád : Quel est l’intérêt d’un colloque scientifique sur la liberté de la presse ? Est-ce que c’est une forme d’activisme ?

Krisztina Horváth : La réponse est très complexe. N’oublions pas qu’il s’agit en premier lieu de la liberté d’expression. Je pense que la liberté d’expression est d’abord inséparable de la langue : et l’enseignement, la recherche et la critique littéraire sont des formes d’expression qui sont inséparables d’une liberté scientifique. Si l’université a des choses à dire à propos de la liberté d’expression, c’est parce que c’est un problème non simplement idéologique, mais aussi philosophique, qui touche dans un sens la liberté de pensée. Et ainsi, pour moi, la liberté de la presse est inséparable de la liberté de pensée.

BSz : Permettez-moi de concentrer mes questions autour de la presse : on dit de temps en temps qu’elle se trouve dans une période de crise. La presse, est-elle toujours en crise comme la littérature, ou est-ce que c’est un autre genre ?

KH : Aujourd’hui, si je pense à la liberté de presse, l’expression crise peut s’entendre comme une mise en péril de cette liberté par des pouvoirs de toutes sortes ; essentiellement par des pouvoirs économiques. La presse elle-même est inséparable de l’économie, donc il est évident qu’elle est menacée par des pouvoirs non seulement de fait, mais aussi économiques.

BSz :  Dans son discours, l’ambassadeur belge a lié les médias aux démocraties ou aux institutions. Si la presse est en crise, est-ce un marqueur de crise pour d’autres entités, institutions aussi ?

KH : Oui, évidemment. Ce que j’aurais voulu accentuer dans mon discours d’ouverture, c’est que dans les démocraties d’Europe Médiane, la sensibilité est accrue à la liberté d’expression et de la presse, puisque c’est une liberté assez récemment acquise, et très chèrement payée.

2. Avec Cécile Bertrand

Bese Szórád : Comment faut-il imaginer la censure dans votre métier ? Si la Wallonie Bruxelles n’avait pas accepté ce dessin, qu’est-ce que vous auriez fait ?

Cécile Bertrand : J’aurais dit que je ne viendrais pas. Comme j’ai dit dans mon intervention, j’ai toujours fait ce que je voulais.

BSz : Aucune chance de faire quelque chose d’autre ?

CB : En effet non, parce que je trouve que c’est notre dessin le plus pertinent.

3. Avec Yannick Vancolen : Moi j’ai essayé de trouver une idée, puis on a décidé de refaire un dessin plus vieux. C’est ce qu’on a de mieux.

BSz : Moi j’ai interprété votre dessin d’une façon différente de ce que vous avez expliqué. Que peut faire un dessinateur pour que tout le monde comprenne ?

CB : Tout le monde ne comprendra jamais

BSz : Je reformule un peu : avez-vous jamais avorté un dessin – que vous trouviez génial – par peur qu’il ne sera pas compris ?

YV : Dans les années 90 on faisait des blagues un peu clichées, des choses que tout le monde connait, mais pas trop, par exemple des blagues autour des religions. Aujourd’hui cela ne va pas, mais on compte beaucoup sur l’autodérision des Belges : on s’en fout de la critique et on aime bien si on parle de nous. Donc on se moque de nous souvent, au moins en Belgique francophone.

BSz : Qu’est que vous appréciez dans les travaux de l’autre ?

CB : J’aime bien celui-là [en montrant sur le dessin du colloque], parce qu’on l’a fait ensemble.

YV : J’ai toujours trouvé que ses dessins étaient très subtils, beaucoup plus subtils que les miens.

CB : Moi, on m’appelle subtile Bertrand.

BSz : En parlant de subtilité, avez-vous déjà caché quelque chose dans un dessin, des clins d’œil à d'autres artistes par exemple ?

YV : Moi non, mais il y a des cartoonistes qui ont copié un peu ce que j’ai fait dans un dessin, j’en étais fier.

 

Remarque importante : la « partie Budapest » de ce texte, ainsi que les interviews, ont été rédigées par les étudiants du cours « Langages de la presse » de l’Université ELTE (dans le cadre du cours de l’ALAC à Budapest, Stéphane Carlier).

 

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